Prison centrale Mulunge à Uvira : entre conditions inhumaines et urgence judiciaire
L’Observatoire Droits, Justice et Gouvernance Locale pour la Cohésion sociale en RDC (ODJGL/SC) alerte sur des conditions de détention « inhumaines » à la prison centrale de Mulunge à Uvira, siège provisoire des institutions de la province du Sud-Kivu. Me Ghislain Barhahiga, directeur de l’Observatoire, dit dans une entrevue à La Presse africaine avoir constaté l’absence d’eau, le manque de nourriture, de soins et d’une prise en charge judiciaire conforme.
« Il n'y a pas
d’eau, pas de couvertures, pas de lits, pas de médicaments. L'hôpital existe
mais il n'est pas équipé », dénonce Me Ghislain. Selon lui, des droits
fondamentaux sont bafoués, les détenus manquent de l’essentiel : alimentation,
vêtements, matelas et soins médicaux. Notre source souligne à cet effet que la
majorité des personnes incarcérées sont des membres des forces armées FARDC et
des Wazalendo, c’est‑à‑dire des agents de l’État. « L’État devrait mettre des conditions qui permettent à ces agents
d’éviter des maladies et de recevoir des soins appropriés », insiste-t-il.
Détention
irrégulière et défaillance de la justice
Au-delà des
lacunes matérielles, l’ODJGL/SC dénonce de graves manquements procéduraux. La
loi prévoit que le magistrat ayant ordonné la détention mette en œuvre les
diligences nécessaires et saisisse la chambre du conseil pour régulariser la
situation des détenus, dans un délai imparti. À Uvira, cette procédure n’est
pas respectée : des personnes restent emprisonnées depuis des semaines sans que
leur situation soit examinée par la chambre du conseil, fait savoir le
directeur de l’ODJGL/SC, Me Ghislain Barhahiga.
« Ce sont des
personnes qui restent dans des conditions de détention irrégulières », a-t-il
affirmé, tout en dénonçant une « négligence » des magistrats et des parquets.
Pire, il accuse certains magistrats d’être eux‑mêmes « premiers violeurs » des
lois qu’ils sont censés appliquer, en renvoyant les prévenus « comme des colis
» à la prison sans suivi judiciaire.
Faible
présence du chef de parquet, impunité possible
L’Observatoire pointe également le manque de
supervision hiérarchique : le chef de parquet, selon Me Barhahiga, vit au
Burundi et ne suit pas régulièrement les dossiers locaux. Ce vide de
supervision laisserait « une route
ouverte aux violations des droits des prisonniers ».
Appel à
l’action immédiate
Face à l’urgence, l’Observatoire appelle à la prise en
charge humanitaire immédiate (eau potable, vivres, matelas, couvertures) ;
- rééquipement et renforcement du personnel de l’hôpital pénitentiaire
en médicaments et matériel médical ;
- régularisation systématique et immédiate des détentions afin de
respecter les procédures judiciaires et le droit à un procès équitable ;
- mise en responsabilité disciplinaire, voire pénale, des magistrats qui
ne respectent pas la loi procédurale ;
- intervention des organisations humanitaires pour une assistance
d’urgence.
« Il faut ramener
tout le monde à l'ordre », conclut Me Barhahiga. « Ces personnes sont des pères de famille, des grands‑pères ; elles ont
droit au respect de leurs droits fondamentaux. »
En attendant une intervention étatique ou humanitaire,
la population carcérale de Mulunge demeure exposée à des risques sanitaires et
juridiques majeurs une situation que l’ODJGL/SC qualifie d’« urgence humanitaire
et judiciaire ».
Pascal BAHUNDE – LPA Sud-Kivu
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