Le Burundi restreint l’accès humanitaire à l’est de la RDC : une entrave au droit international et à la solidarité régionale
L’application stricte de l’article 5 du décret-loi n° 1/25 du 25 novembre 2021 relatif à la régulation des migrations au Burundi soulève de vives préoccupations quant au respect des principes fondamentaux du droit international, notamment la liberté de circulation des personnes et des biens. Cette mesure, qui vise particulièrement les ressortissants et acteurs humanitaires en provenance des zones sous occupation du M23, constitue un obstacle majeur aux opérations humanitaires dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Les territoires d’Uvira, de Fizi et de Baraka, dans le sud du Sud-Kivu, dépendent fortement du corridor humanitaire passant par le Burundi pour l’acheminement de personnel humanitaire, d’équipements médicaux et d’intrants essentiels destinés à des populations en détresse. Cette région enclavée est régulièrement confrontée à des urgences sanitaires telles que le choléra ou la variole du singe, auxquelles les organisations humanitaires tentent de répondre avec célérité, en coordination avec la société civile locale, les autorités congolaises et dans le respect du droit international humanitaire.
Contrairement à la RDC, qui continue de permettre l’accès aux ONG internationales actives dans les zones sensibles du Sud-Kivu et du Nord-Kivu via Uvira, la décision unilatérale du Burundi de restreindre l’accès à son territoire compromet gravement les opérations en cours. Elle accentue l’isolement de communautés déjà fragilisées, empêche l’acheminement rapide de l’aide humanitaire et freine les efforts de stabilisation sanitaire dans la zone de santé d’Uvira.
Les conséquences sont alarmantes. En mars 2025, les acteurs humanitaires ont recensé plus de 554 000 personnes affectées par la crise, dont 270 000 déplacés internes. Entre le 15 et le 22 février 2025, au moins 127 femmes et filles mineures ont été victimes de violences sexuelles durant les affrontements armés. Plus récemment, des inondations dans le territoire de Fizi ont fait plus de 100 morts, selon les médias, dont 62 enfants à Kasaba, dans la zone de santé de Yungu, durant la nuit du 8 au 9 mai. Face à cette situation, L’OCHA a convoqué une réunion d’urgence le 12 mai à Uvira afin de renforcer la coordination humanitaire.
Dans ce contexte de crises multidimensionnelles, la solidarité régionale est plus que jamais indispensable. Les États membres de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL) doivent réaffirmer leur engagement en faveur de la libre circulation à des fins humanitaires. Le droit à l’assistance, garanti par le droit international humanitaire, ne saurait être entravé par des considérations administratives ou politiques. Il en va de la dignité et de la survie de milliers de personnes.
Trois recommandations pour rétablir l’accès humanitaire
Afin de garantir l’accès rapide et sécurisé de l’aide aux populations affectées, plusieurs mesures concrètes sont recommandées par des observateurs indépendants. C’est entre autres :
1. Revoir la décision de restriction d’accès au territoire burundais par les humanitaires issus de territoires occupés, en tenant compte des impératifs humanitaires et des engagements internationaux en matière d’assistance ;
2. Mettre en place un mécanisme de coordination et de monitoring conjoint entre la RDC, le Burundi, le Rwanda et les Nations Unies (notamment OCHA), pour identifier et sécuriser les mouvements des acteurs humanitaires dans la zone ;
3. Instaurer un couloir humanitaire sécurisé entre Bukavu et Uvira, afin de faciliter l’évacuation des blessés, les opérations de réunification familiale et l’acheminement de l’aide, dans le cadre des engagements des Conventions de Genève.
Rédaction LA PRESSE AFRICAINE
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