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lpa | 01 novembre 2025 | 91 vues

Sud-Kivu : le vide judiciaire nourrit l’insécurité et l’arbitraire à Uvira, alerte l’ODJGL/CS

L’Observatoire Droit, Justice et Gouvernance Locale pour la Cohésion Sociale (ODJGL/CS asbl) lance un appel d’alarme sur l’état critique de la justice à Uvira, chef-lieu provisoire de la province du Sud-Kivu. Lors d’une conférence de presse tenue le jeudi 30 octobre 2025, l’organisation a dénoncé la carence de juges, l’absence de cours et le dysfonctionnement des juridictions locales, qui plongent la population dans une insécurité juridique et judiciaire aggravée.

Selon l’ODJGL/CS, l’impossibilité pour les justiciables de voir leurs causes instruites et jugées expose la communauté à des « règlements de comptes, à la justice populaire, aux vengeances privées, mais surtout aux arrestations arbitraires et aux violations massives des droits humains ». L’observatoire pointe en particulier des pratiques de corruption et des « arrangements » impliquant certains magistrats du parquet restés à Uvira, autorités qui, en l’absence de tribunaux fonctionnels, détiennent désormais « les derniers mots » sur le sort des prévenus.

L’organisation rappelle que cette situation contrevient aux dispositions constitutionnelles et légales. Aucun contrôle effectif ne s’exerce sur l’accès à la justice dans la ville, constate l’ODJGL/CS, évoquant la violation des articles 17, 18 et 19 de la Constitution de la RDC, l’article 27 du Code de procédure pénale, ainsi que des articles 91 et 92 de la loi‑cadre de 2013 relative à l’organisation des compétences judiciaires. L’Observatoire invite aussi à s’interroger sur la qualité et la formation des officiers de police judiciaire (OPJ), des agents de police judiciaire (APJ), des inspecteurs de police judiciaire (IPJ) et des greffiers, nombreux à être insuffisamment formés, non assermentés ou non recyclés.

Face à cette situation, l’ODJGL/CS formule plusieurs recommandations urgentes au gouvernement national, au ministère de la Justice et aux acteurs des droits humains :

  • Affecter sans délai des magistrats aux juridictions d’Uvira et sanctionner les magistrats qui s'absenteront sans motif sérieux en les déclarant déserteurs,
  • Ordonner l’installation immédiate de la cour d’appel et de la cour militaire à Uvira, avec leurs structures connexes, pour traiter les dossiers en appel,
  • Interdire aux agents judiciaires et aux autorités résidant au Burundi de se contenter de venir travailler à Uvira, une pratique jugée source d’insécurité morale et de non‑respect des horaires,
  • Allouer une prime de risque aux magistrats acceptant d’exercer dans un climat d’insécurité,
  • Fournir des moyens financiers et matériels conséquents aux juridictions opérationnelles de la zone,
  • Réhabiliter et équiper les bâtiments détruits abritant les services judiciaires (TRIPAIX, TGI, TMG) et leurs parquets,
  • Appuyer la formation et le renforcement des capacités du personnel judiciaire, y compris les avocats et défenseurs judiciaires,
  • Mettre à disposition des locaux et matériels pour la cour d’appel et la cour militaire et leurs parquets à Uvira.

L’ODJGL/CS recommande également au gouvernement provincial d’organiser des audiences foraines dans différents lieux du Sud‑Kivu ; villes, villages, groupements et quartiers, afin de dissuader les auteurs potentiels de violations des droits humains et de ramener l’État de droit dans la région.

En conclusion, l’observatoire rappelle que le rétablissement rapide de l’appareil judiciaire à Uvira est essentiel non seulement pour garantir l’accès à la justice, mais aussi pour prévenir l’essor de l’impunité, des violences communautaires et des violations systématiques des droits de l’homme. Sans mesures concrètes et immédiates, avertit l’ODJGL/CS, la population restera exposée à une justice arbitraire et à des pratiques contraires à l’État de droit.

 

Pascal BAHUNDE – LPA Sud-Kivu



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