Sud-Kivu : le vide judiciaire nourrit l’insécurité et l’arbitraire à Uvira, alerte l’ODJGL/CS
L’Observatoire Droit, Justice et Gouvernance Locale pour la Cohésion Sociale (ODJGL/CS asbl) lance un appel d’alarme sur l’état critique de la justice à Uvira, chef-lieu provisoire de la province du Sud-Kivu. Lors d’une conférence de presse tenue le jeudi 30 octobre 2025, l’organisation a dénoncé la carence de juges, l’absence de cours et le dysfonctionnement des juridictions locales, qui plongent la population dans une insécurité juridique et judiciaire aggravée.
Selon l’ODJGL/CS, l’impossibilité pour les
justiciables de voir leurs causes instruites et jugées expose la communauté à des
« règlements de comptes, à la justice
populaire, aux vengeances privées, mais surtout aux arrestations arbitraires et
aux violations massives des droits humains ». L’observatoire pointe en
particulier des pratiques de corruption et des « arrangements » impliquant
certains magistrats du parquet restés à Uvira, autorités qui, en l’absence de
tribunaux fonctionnels, détiennent désormais « les derniers mots » sur le sort
des prévenus.
L’organisation rappelle que cette situation
contrevient aux dispositions constitutionnelles et légales. Aucun contrôle
effectif ne s’exerce sur l’accès à la justice dans la ville, constate
l’ODJGL/CS, évoquant la violation des articles 17, 18 et 19 de la Constitution
de la RDC, l’article 27 du Code de procédure pénale, ainsi que des articles 91
et 92 de la loi‑cadre de 2013 relative à l’organisation des compétences
judiciaires. L’Observatoire invite aussi à s’interroger sur la qualité et la
formation des officiers de police judiciaire (OPJ), des agents de police
judiciaire (APJ), des inspecteurs de police judiciaire (IPJ) et des greffiers,
nombreux à être insuffisamment formés, non assermentés ou non recyclés.
Face à cette situation, l’ODJGL/CS formule plusieurs
recommandations urgentes au gouvernement national, au ministère de la Justice
et aux acteurs des droits humains :
- Affecter sans délai des magistrats aux juridictions d’Uvira et
sanctionner les magistrats qui s'absenteront sans motif sérieux en les
déclarant déserteurs,
- Ordonner l’installation immédiate de la cour d’appel et de la cour
militaire à Uvira, avec leurs structures connexes, pour traiter les
dossiers en appel,
- Interdire aux agents judiciaires et aux autorités résidant au Burundi
de se contenter de venir travailler à Uvira, une pratique jugée source
d’insécurité morale et de non‑respect des horaires,
- Allouer une prime de risque aux magistrats acceptant d’exercer dans un
climat d’insécurité,
- Fournir des moyens financiers et matériels conséquents aux
juridictions opérationnelles de la zone,
- Réhabiliter et équiper les bâtiments détruits abritant les services
judiciaires (TRIPAIX, TGI, TMG) et leurs parquets,
- Appuyer la formation et le renforcement des capacités du personnel
judiciaire, y compris les avocats et défenseurs judiciaires,
- Mettre à disposition des locaux et matériels pour la cour d’appel et la
cour militaire et leurs parquets à Uvira.
L’ODJGL/CS recommande également au gouvernement
provincial d’organiser des audiences foraines dans différents lieux du Sud‑Kivu ;
villes, villages, groupements et quartiers, afin de dissuader les auteurs
potentiels de violations des droits humains et de ramener l’État de droit dans
la région.
En conclusion, l’observatoire rappelle que le rétablissement
rapide de l’appareil judiciaire à Uvira est essentiel non seulement pour
garantir l’accès à la justice, mais aussi pour prévenir l’essor de l’impunité,
des violences communautaires et des violations systématiques des droits de
l’homme. Sans mesures concrètes et immédiates, avertit l’ODJGL/CS, la
population restera exposée à une justice arbitraire et à des pratiques
contraires à l’État de droit.
Pascal BAHUNDE – LPA Sud-Kivu
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